Charlotte LAFFONT a reçu le Prix de thèse spécial innovation 2025 pour ses travaux de recherche parmi les docteurs diplômés en 2024.
Intitulé de la thèse - La conception du logement à l’expérience des sonorités – COLEXSON – Un prototype construit pour expérimenter à échelle 1 les ambiances sonores de demain depuis un logement ventilé naturellement.

Cette thèse a été réalisée au sein du bureau d’études acoustiques LASA via une convention ANRT-CIFRE. Elle s’inscrit dans la lignée des travaux de recherche sur les ambiances sonores du laboratoire AAU-CRESSON de l’E.N.S.A. de Grenoble et de ceux de la chaire « Habitat du futur » visant à penser le logement de demain. Il s’agit d’une « recherche-action » car cette thèse ambitionne de transformer la réalité par des expérimentations concrètes tout en produisant des connaissances concernant ces transformations.
Le confort sonore d’un logement est un critère majeur pour garantir une bonne qualité de vie. La réglementation et la pratique architecturale abordent les phénomènes sonores principalement à travers des notions de nuisance et de bruit contre lesquels s’isoler. Or, aujourd’hui la majeure partie des logements existants n’offrent pas de confort sonore satisfaisant. De quelles façons pourrait-on concevoir les logements à partir de l’expérience des sonorités ? Cette recherche se situe dans les champs interdisciplinaires qui convoquent l’architecture, l’acoustique urbaine et architecturale et le vécu des ambiances de la ville. Elle s’adresse aux acteur.ice.s de projets architecturaux et urbains, tant du côté de la maîtrise d’ouvrage que de la maîtrise d’œuvre. Dans le processus de fabrication d’un projet, la maîtrise d’ouvrage correspond au commanditaire du projet et la maîtrise d’œuvre regroupe l’ensemble des collaborateur.ice.s qui conçoivent et réalisent le projet (architectes, bureaux d’études techniques, paysagistes, etc.). L’objectif de cette recherche est de leur proposer des outils concrets de conception et d’aide à la décision par le sonore et ce dès la phase concours. Tout cela mène à la problématique suivante : comment introduire l’écoute dans la conception des logements collectifs afin qu’ils répondent aux enjeux de la ville de demain et participent à une bonne qualité de vie tout en intéressant les architectes ?
Pour y répondre, nous avons débuté notre recherche par l’étude des espaces intermédiaires dans des projets construits. Il s’agit de l’ensemble des espaces situés entre la ville et le logement comme le balcon, le hall d’entrée, la cour d’immeuble, etc. Nous nous y sommes intéressé.e.s car ils sont absents de la règlementation acoustique alors qu’ils articulent les écoutes à la fois des sons du dehors (de la ville) avec ceux du dedans (à l’intérieur du logement). Les façons dont ils s’ouvrent à la ville, dont ils se composent les uns avec les autres dans un projet architectural façonnent l’ambiance sonore quotidienne perçue depuis le logement. À partir de méthodes scientifiques développées par le CRESSON et acoustiques du LASA, nous avons étudié trois catégories d’espaces intermédiaires dans des projets architecturaux historiques et contemporains : les espaces de transition (hall, cour intérieure, etc.), les espaces extérieurs aux abords des logements (terrasse partagée, toiture, balcon, etc.) et l’enveloppe bâtie (double peau, fenêtre).
Ensuite, pour aborder la qualité sonore des logements de demain, nous nous sommes intéressé.e.s aux évolutions que nos ambiances sonores urbaines pourraient nous faire vivre. Demain, nous vivrons de plus en plus d’épisodes caniculaires et les villes denses favoriseront d’autant plus ces phénomènes. Cela pose de nombreuses questions sur les conditions de la qualité du vivre ensemble. Comment vivre dans cette densité avec les sons du dehors ? Dans la prospective d’une ville post-carbone sujette à de nombreux aléas climatiques, nous avons imaginé une diversité d’usages, des programmations mixtes, des mobilités douces (moteurs hybrides et électriques notamment), des proximités et des voisinages apportés par la densité. Dans ce contexte, comment rafraîchir un logement par une ventilation naturelle tout en offrant à l’habitant.e la capacité de moduler son écoute ? Comment envisager la porosité du logement tout en garantissant un confort acoustique ?
Nous sommes convaincu.e.s de l’importance de l’expérimentation pour répondre à l’ensemble de ces questions et intégrer l’écoute dans le processus d’un projet architectural. Pour cela, nous avons testé de nombreux outils concrets et appréhensibles par les acteur.ice.s d’un projet. La méthode d’analyse sonore des projets architecturaux a été appliquée à un cas concret situé à Villeurbanne (69), le macro-lot B, dès les premières phases de conception pour anticiper ses ambiances sonores. L’expérimentation de ces ambiances depuis un logement ventilé naturellement et depuis ses espaces intermédiaires a été pensée dans la conception d’un prototype à échelle 1:1 d’ECHAfaudage SONore – ECHASON. Un prototype à échelle 1.1 est la réalisation grandeur nature d’un objet, dans ce cas d’une construction architecturale, qu’il sera possible d’expérimenter et de tester. N’ayant pas pu être réalisé dans sa taille maximale, ce seront finalement deux prototypes d’Ouvrant de Ventilation Naturelle Acoustique – O.V.N.A. – intégrant un filtrage sonore qui ont été construits et expérimentés avec des acteur.ice.s du projet. Ils proposent d’expérimenter dans un bloc construit, intégré à une façade, une fenêtre standard et une seconde fenêtre laissant passer l’air avec une forte atténuation sonore. Il s’agit d’un dispositif low-tech permettant à l’habitant.e d’agir directement sur son confort thermique, aéraulique et sonore. Plusieurs bandes sonores anticipant des espaces intermédiaires du macro-lot B ont pu être expérimentées avec des futur.e.s habitant.e.s de ce projet. Tous les résultats innovants développés dans cette recherche ont permis d’aboutir à l’ébauche de trois cahiers des charges pour intégrer la dimension sonore dans les futurs concours d’architecture et d’urbanisme.
Ainsi, en rejetant au préalable l’idée selon laquelle le son en ville n’est qu’une nuisance, un bruit mesurable en décibels, de très nombreuses pistes de conception par le sonore s’ouvrent à nous. La qualité de l’environnement sonore doit être intégrée à la conception des logements au même titre que les préoccupations sur l’ensoleillement, la qualité de l’air ou encore le confort d’été. Cela représente un enjeu social, économique, environnemental et sanitaire. C’est en cela que ce travail défend l’idée d’une conception des logements par l’écoute qui ne se fasse plus uniquement de manière défensive ou corrective mais plutôt de manière créative et engagée.
Mots clés : ambiance sonore, dispositif acoustique low-tech, ventilation naturelle acoustique, densité, sonorités urbaines, Expérimentation prototype échelle 1, confort sonore, anticipation de l’écoute, confort d’été
École doctorale : ED SHPT - Sciences de l'Homme, du Politique et du Territoire
Laboratoire d’accueil : Laboratoire Ambiances Architectures Urbanités (CNRS/UGA - ENSAG-UGA/ENSAN/ Centrale Nantes)
Direction de thèse : Olivier BALAY et Samuel TOCHON DANGUY
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