Projet de loi Immigration : des mesures dangereuses pour la recherche et l’innovation en France

Communiqué
Le réseau national des collèges doctoraux (RNCD) se joint à France Universités, UDICE ou encore la CDEFI pour exprimer les plus vives inquiétudes suite à l’adoption des mesures concernant les étudiants, doctorants et chercheurs étrangers. Le réseau partage l’ensemble de leurs alertes et voudrait souligner plus particulièrement les risques concernant le doctorat.
Les docteurs étrangers formés en France poursuivent majoritairement leurs carrières en France et occupent des emplois dans tous les secteurs, à commencer par la R&D en entreprise. Ceux qui vont ailleurs gardent un lien durable avec la France et en font d’excellents ambassadeurs avec des retombées économiques, importantes et durables, démontrées dans plusieurs études.
La recherche française repose aussi largement sur l’activité des doctorants. L’enquête 2023 du RNCD a montré, par exemple, qu’en sciences et technologie, 74% des encadrants estiment qu’entre la moitié et la totalité de la production scientifique de leur laboratoire est associée à un projet doctoral. Or, actuellement 38% des doctorants sont étrangers et les trois-quarts d’entre eux ne sont pas citoyens d’un pays de l’Union Européenne. Dans les domaines en tension, où les entreprises connaissent déjà d’importantes difficultés de recrutement, la part des doctorants non européens est encore plus importante (par ex. 50% de doctorants non européens en sciences pour l’ingénieur, plus de 40% en informatique).
À une période charnière pour la société et pour l’industrie française, où la France doit se transformer pour s’adapter aux grandes transitions et innover dans plusieurs domaines clés, de la transition verte à l’intelligence artificielle en passant par la santé, ce serait une grave erreur que de nuire à l’attractivité internationale du doctorat en France. La France décroche sur ce plan depuis 10 ans, alors qu’elle était déjà en recul par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE.

Pourquoi les mesures adoptées nous apparaissent-elles dangereuses ?

Aujourd’hui, plus de la moitié des doctorants étrangers a fait un ou deux ans de master en France avant l’entrée en doctorat. Cela facilite grandement leur intégration dans l’écosystème de recherche français, et permet en retour aux établissements français de
mieux les sélectionner lors de leur admission en doctorat. De plus, coordonner master et doctorat permet aux établissements d’être plus attractifs simultanément dans les deux grands systèmes d’enseignement supérieur du monde (système européen du L.M.D et système anglo-saxon Colleges (Bachelor) et Graduate Schools (PhDs)). Une politique nationale (soutenue notamment par les programmes SFRI et EUR du PIA) a été menée continûment en France depuis plusieurs années pour développer l’articulation entre le master et le doctorat et favoriser l’arrivée d’étudiants étrangers non-européens dès le master plutôt que directement en doctorat.
La disposition du projet de Loi sur l’Immigration qui empêche les établissements d’exempter de droits différenciés les étudiants non européens élève une barrière nouvelle à l’entrée en master et met en péril cette dynamique positive.
Il est donc essentiel que les étudiants non-européens qui viennent en master, et pour lesquels la perspective de poursuite en doctorat est réelle, puissent continuer d’être exemptés de paiement de droits d’inscription, ou a minima, que ceux-ci soient compensés par un programme national de bourses d’excellences suffisamment financé.
De plus, cette disposition apparaît totalement contradictoire avec la volonté exprimée par le président de la République dans son discours du 7 décembre, d’être plus attractif pour les talents internationaux et de donner plus d’autonomie aux universités. Celles-ci devraient pouvoir, a minima, développer leur politique internationale et pouvoir l’adosser à une politique d’exemptions adaptées à leurs partenariats et leurs caractéristiques.
Quant à la caution de retour, l’objet semble être de décourager des jeunes diplômés de s'installer en France. Cela est contraire aux valeurs d’universalité et d’ouverture du monde académique. C’est aussi une mesure économiquement contreproductive. La France a besoin de ces jeunes talents formés au plus haut niveau académique, dans tous les domaines que ce soit en sciences et technologie, dans le domaine de la santé ou en sciences humaines et sociales. Il est incompréhensible de les inciter à quitter la France, alors même que nous les avons formés et avons besoin d’eux.
Enfin, les étudiants et doctorants étrangers internationalisent nos universités. Cette ouverture est un des fondements de leur excellence, ainsi qu’un un élément-clé de notre diplomatie scientifique et d’influence. Elle offre aussi une ouverture internationale aux étudiants français, notamment ceux n’ayant pas les moyens de s'offrir une expérience à l'étranger.
Les étudiants français qui partent préparer un diplôme d’enseignement supérieur à l’étranger sont souvent des étudiants particulièrement brillants et qui n’ont pas peur d’ajouter aux défis d’une formation d’enseignement supérieur ceux d’une mobilité internationale et de l’apprentissage d’une langue étrangère. Il en est de même des étudiants étrangers qui viennent faire leurs masters ou leurs doctorats en France. Ce sont les étudiants les plus ambitieux de leurs pays respectifs et souvent les plus brillants. C’est une folie de chercher à les décourager de venir et de rester en France.
Publié le  21 décembre 2023
Mis à jour le  21 décembre 2023